Impact de la crise sanitaire sur le spectacle vivant privé

Public bras levés lors dun spectacle

Impact de la crise sanitaire sur le spectacle vivant privé

Le PRODISS, principal syndicat français d’entrepreneurs de spectacle vivant, a communiqué sur le danger que la crise sanitaire fait peser sur cette branche de l’écosystème culturel national.

Les chiffres sont clairs : un des pans les plus importants de la Culture est en train de s’effondrer. On parle bien ici d’entreprises, preuve que pour faire de la Culture, il faudrait peut-être reconnaître sa place dans l’économie. Il y a urgence. S’il faut se réinventer comme le dit le Président Macron, il faudrait déjà réinventer une organisation économique qui tienne compte du moteur essentiel de notre société : la Culture. Nous attendons de voir de quelle imagination, ce grand donneur de leçons, fera preuve pour sauver un des secteurs économiques essentiels de notre pays qui mériterait certainement plus de respect et de considération qu’une simple communication théâtralisée et tout compte fait ridicule.

C’est quoi le PRODISS ?

Créé en France en 1984, c’est le syndicat national du spectacle musical et de variété. Le PRODISS est aujourd’hui le 1er syndicat patronal représentatif au niveau national (avec une audience mesurée au sein de la branche du spectacle vivant privé de 54% des salariés des entreprises représentées. Fixée par l’arrêté du 26 juillet 2017, publié au Journal officiel du 3 août 2017). Sa mission est de représenter, promouvoir et défendre les intérêts de ses adhérents qu’ils soient : producteurs, diffuseurs, exploitants de salles et de festivals, ils forment l’ensemble de la chaîne de création et de diffusion d’un spectacle. En somme le PRODISS soutient et accompagne le développement des entrepreneurs de spectacles, en leur assurant un cadre législatif et réglementaire favorable à leur activité. En tant que syndicat, il est l’ambassadeur de ses adhérents auprès des institutions publiques, nationales et européennes, et assure de nombreux services pratiques et indispensables qui accélèrent et renforcent la compétitivité de ses entreprises membres.

Si les défis que pose cette crise mondiale sont considérables d’un point de vue sanitaire, ils sont également sans précédent d’un point de vue économique… Les entreprises du spectacle vivant privé, comme des milliers d’entreprises en France dans tous les secteurs de l’économie, sont confrontées aujourd’hui à des conséquences d’une ampleur inédite. De l’interdiction progressive des événements en fonction de leur taille jusqu’aux mesures de confinement de la population, les décisions prises par le pouvoir exécutif, légitimes d’un point de vue sanitaire, ont réduit à néant leur activité économique.

Un secteur en danger absolu

Attentats de 2015, blocages causés par les mouvements des gilets jaunes, grèves… Ces séquences tragiques et conflits sociaux ont déjà fragilisé depuis plusieurs années l’économie du spectacle vivant privé (producteurs et diffuseurs, salles de spectacles, festivals, cabarets et théâtres privés). Ce secteur indispensable au dynamisme des territoires est porté, dans sa grande majorité, par des PME/TPE (84% des adhérents du PRODISS), qui investissent lourdement dans la création artistique et pour la production de spectacles partout en France. Leurs modèles économiques sont fragiles : la marge nette cumulée des adhérents du PRODISS s’élevait à seulement 1,5% en 2017, contre plus de 7% pour l’ensemble des secteurs marchands. Si elles ne sont pas soutenues aujourd’hui, la crise du COVID-19 pourrait leur porter un coup fatal et, avec elles, à la majorité des industries créatives et culturelles dont elles sont la locomotive.

Dispositifs de soutien dérisoires

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a débloqué une enveloppe de 45 milliards d’euros, dont un fonds de solidarité de 1 milliard d’euros minimum pour les sociétés de moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires, tous secteurs confondus, qui ont perdu entre mars 2019 et mars 2020 70% de leur chiffre d’affaires. Ce soutien est accueilli favorablement par l’ensemble des entreprises du secteur du spectacle vivant privé, dont la trésorerie repose essentiellement sur la billetterie, totalement à l’arrêt durant la période de confinement actuelle.

Le ministère de la Culture a, quant à lui, annoncé, pour la filière musicale, la mise en place d’un fonds de soutien à destination des professionnels les plus fragilisés et doté par le Centre national de la musique (CNM) d’une première enveloppe de 10 M€, qui pourra être complétée par des financements externes, et de 5 M€ pour le secteur du spectacle vivant hors musical, notamment le secteur du théâtre privé. Cet effort semble totalement en dehors de la réalité, voire dérisoire, en termes de montant, au regard de la situation actuelle et des nécessités réelles de la filière.

Gravité de la situation économique

En collaboration avec le cabinet EY, le PRODISS a estimé à 590 M€ la perte totale de chiffre d’affaires (recettes de billetterie, contrats de cession de spectacles, locations de salles, recettes annexes de bar, restauration, sponsoring…) causée par l’interruption forcée des activités de l’ensemble du secteur du spectacle vivant privé, du 1er mars jusqu’au 31 mai 2020.  Les 360 entreprises membres du PRODISS auront à déplorer sur cette période une perte de chiffre d’affaires totale de près de 477 M€. À cela s’ajoute la perte de chiffre d’affaires des théâtres et producteurs privés, évaluée à 63 M€ par le Syndicat National du Théâtre Privé (SNDPT), et celle des cabarets estimée par le Syndicat National des Cabarets et Music-halls (CAMULC) à 50 M€.

Le report de charges est une solution envisageable pour une partie des spectacles concernés pour diminuer cette perte sur l’année. Cependant, il est impossible pour certains types de spectacles, internationaux ou exploités sur une longue durée notamment, et pour les petites salles à l’économie fragile. Par ailleurs, la possibilité de report de charge va être drastiquement restreinte, compte tenu du nombre de spectacles annulés qui devront s’ajouter au calendrier de programmation et faire face à la fois à une saturation des lieux et à celle de la disponibilité du public.

L’ampleur des pertes de chiffre d’affaires suite à la crise du COVID-19 remet en question la pérennité, voire l’existence, d’un pan important des entreprises du spectacle vivant privé. Dans un secteur composé très majoritairement de PME à la marge nette moyenne négative, les entreprises ne disposent d’aucune marge de manœuvre afin d’absorber un choc financier aussi violent. Il devient donc urgent de renforcer les mesures d’accompagnement et les garanties pour les entreprises de notre secteur.

Situation sociale préoccupante

Le spectacle vivant repose par nature sur l’humain, de l’artiste aux techniciens, en passant par l’ensemble des acteurs qui contribuent à créer un spectacle. L’emploi de milliers d’entre eux est en jeu aujourd’hui. Pour les entreprises du PRODISS, avec l’annulation des représentations de mars à mai, ce sont environ 20 400 artistes et techniciens engagés en CDD d’usage qui se retrouvent menacés. À ceux-ci, s’ajoutent 8 506 personnes employées de façon permanente au sein des entreprises de production, diffusion et d’organisation des spectacles et des festivals, dont l’activité va être arrêtée sur la période. Du côté des cabarets et des théâtres privés, ce sont respectivement 3 500 et 5 500 personnes dont l’activité est menacée. Au total, 37 900 personnes travaillant pour le spectacle vivant privé sont concernées par un arrêt de leur activité.

« Plus que jamais, pour éviter un état d’urgence économique et social pour le secteur du spectacle vivant privé, un soutien conséquent, à la hauteur de la détresse économique du secteur, doit être apporté. Il s’agit non seulement de soutenir l’un des poumons des industries culturelles et créatives françaises, mais aussi la capacité de l’ensemble des acteurs du spectacle français à continuer, à l’avenir, d’exister et de créer, en France et sur la scène internationale » a récemment déclaré Malika Seguineau, Directrice générale du PRODISS.

prodiss.org
(Photo : © ActionVance)