L’insoupçonnée clairvoyance du hasard

L’insoupçonnée clairvoyance du hasard

« Ne pas se satisfaire de notre idée d’un monde ordonné… » Ce pourrait être la maxime des mois à venir. C’est aussi ce que semblent nous indiquer les deux artistes invités à exposer leur travail au Centre de la Photographie de Mougins : Yuki Onodera et Li Lang.

Tous deux convoquent le hasard pour nous rappeler notre relation au monde, et nous plonger au sein d’une œuvre en devenir, en faire. « À travers le prisme du hasard, nous abordons, pour cette exposition une relation à l’inattendu et cette recherche de l’équilibre ténu entre maîtrise et lâcher-prise, sans cesse remise en jeu par les photographes« , déclare Yasmine Chemali, directrice du Centre et co-commissaire de l’exposition.

Il s’agit de la première exposition en France du photographe chinois Li Lang, qui présente A Long Day of a Certain Year, beau titre à tonalité durassienne, fruit d’un voyage qu’il a effectué dans un train à grande vitesse. Pour lui, la photographie sert de déclencheur au réveil d’un soi longtemps réprimé. Il explore, à travers ses images, l’humanité et ses désirs. « Aujourd’hui et demain font également partie d’un « long jour dans une vie » et, à force d’être répétés, ils finiront par constituer notre vie entière« . Durant ce trajet, il capture une image par minute, parcourant 4600 km et, dans sa quête, questionne les sentiments de cinquante bénévoles. Il s’inspire et inclut dans son travail l’expérience de vie des autres et crée une relation, intangible, entre les gens et la photographie. Il laisse ainsi s’introduire le hasard dans le champ du faire et provoquer l’accident par un jeu de questions, a priori hors propos, à l’image des cartes des « stratégies obliques ».

L’univers photographique de l’artiste japonaise Yuki Onodera témoigne, pour sa part, d’un goût prononcé pour tout ce qui est flottant, volant, en apesanteur. Pour réaliser ses images, l’artiste se livre à tous types de manipulations techniques telles que les collages, les superpositions, la peinture, le photogramme ou encore le dripping (processus de goutte à goutte). Chaque photographie est le résultat de petits décalages volontaires insérés dans le circuit de l’information. Avec sa série Darkside of the Moon, elle invite (ou impose ?) une temporalité autre, dans un territoire fluide, celui d’un carré, figure contraire à l’ordre des choses ou manifestation du suprématisme de l’Homme sur la nature. Et dans Twin Birds, à partir de deux bouts de bois de même longueur, qu’elle nomme Rouge et Bleu, elle réalise une série de photos d’assemblage de pièces établi par hasard et s’interroge : « Est-ce que le fait d’avoir grandi dans une culture dont l’écriture idéogrammatique induit spontanément les bouts de bois à devenir des hanzi, des caractères chinois ?« 

Jusqu’au 22 mai, Centre de la photographie de Mougins. Rens: centrephotographiemougins.com

photo : Li Lang, A Long Day of A Certain Year (A1320), 2018, Installation : 958 photographies, vidéoprojection © Li Lang