Opéra de Nice: « L’important, c’est d’oser »

Opéra de Nice: « L’important, c’est d’oser »

Après 12 derniers mois décoiffant sous la houlette de Bertrand Rossi, la saison 2022-2023 qui s’annonce à l’Opéra de Nice semble plus sage, mais non moins ambitieuse, avec des œuvres du grand répertoire… et de nombreuses surprises !

Bertrand Rossi ne manque ni d’énergie ni d’idées. Le directeur de l’Opéra de Nice est bien décidé, depuis son arrivée en 2020, à redonner à cette vénérable maison ses lettres de noblesse, en (ré)invitant de grandes voix venues du monde entier, en renouvelant la tradition, et en dépoussiérant les œuvres emblématiques du grand répertoire. Mais aussi en multipliant les coproductions nationales et internationales. Entretien avec un directeur qui aime transformer ses rêves en réalité, et n’hésite pas à faire coexister les genres.

Quels seront les temps forts de la nouvelle saison ?

Il n’y aura que des temps forts ! La particularité, ce sera le retour des grands titres du répertoire. La saison dernière, j’avais programmé Akhnaten, La Dame Blanche, Le Voyage dans la lune, Phaeton, Macbeth, qui n’est pas l’opéra de Verdi le plus joué. La saison prochaine, on revient aux classiques, en particulier les Italiens. Même si nous programmons des titres du répertoire, je continue à mener une politique d’ouverture, ambitieuse, audacieuse, avec des metteurs en scène innovants et surtout le retour de l’Opéra de Nice sur la scène internationale en termes de distribution et de coproduction. C’est ça le fait marquant de la saison 22-23.

Innover, ça signifie quoi pour vous ?

Déjà, nous allons donner une grande place à la jeune génération de chanteurs pour qui l’Opéra de Nice sera un tremplin puisqu’ils se produiront aux côtés d’artistes de réputation internationale. En ce qui concerne le Festival d’opérettes, qui a plus de 20 ans : au lieu d’une multitude de productions, nous n’en produirons que deux, dont l’une pour le jeune public Fiancés en herbe et sur lesquelles nous mettrons tous les moyens de l’opéra. C’est plus difficile de monter une opérette de nos jours et je veux que ce type de spectacle fasse venir un autre public. Quant à Orphée aux Enfers d’Offenbach, il sera mis en scène par Benoît Benichou, qui dépoussière l’opérette, et dirigé par le jeune chef d’orchestre Léo Warynski, que l’on connaît plutôt sur les répertoires contemporains. Je crois qu’on va faire une production un peu déjantée. Le tout sera précédé d’un concert mis en espace, un peu cabaret. L’important pour moi, c’est d’oser des mises en scène qui peuvent séduire un nouveau public sur le grand répertoire. C’est très important d’avoir des metteurs en scène d’aujourd’hui qui peuvent porter un regard très contemporain sur des ouvrages qui datent de plusieurs siècles. Ce ne sera finalement pas une saison si classique que cela !


Justement, parlez-nous de cette nouvelle saison…

Nous allons ouvrir la saison en novembre par une Somnambula mise en scène par le ténor Rolando Villazón. Il travaille dans les plus grandes maisons et a une vision très particulière de cette œuvre, très audacieuse. Ce sera également une prise de rôle pour Sarah Blanc. La direction musicale sera assurée par le grand chef Giuliano Carella. Puis viendra l’un des seuls opéras qui ne soient pas italiens cette saison, Fidelio de Beethoven, une coproduction dans laquelle nous avons entièrement produit les décors et les costumes à la Diacosmie. C’est important que le savoir-faire de l’Opéra de Nice soit montré ailleurs. Cyril Teste, metteur en scène de théâtre et cinéaste, a situé l’histoire à notre époque, dans un terrain de basket, et il utilisera la vidéo pour nous faire vivre les émotions des chanteurs au plus près et en direct. On va ici au bout de ce que je voudrais montrer à l’Opéra de Nice. Lucia de Lammermoor, dans la mise en scène de Stefano Vizioli (report de la saison 2019-2020), ravira le public friand de l’opéra italien. Falstaff, mon opéra préféré de Verdi, l’un des trois tirés d’une pièce de Shakespeare, sera mis en scène par Daniel Benoin, et dirigé par le chef principal Daniele Callegari qui a Verdi en lui. La Bohème, nouvelle production, sous-titrée Les flocons de neige des derniers souffles par le metteur en scène Kristian Frédéric, sera aussi transposée à notre époque autour d’un sujet très actuel : non plus la phtisie, mais le VIH. Et nous terminerons par un opéra participatif, L’Arche de Noé, signé Britten, dans une mise en scène d’Eric Oberdoff. Les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Nice seront mêlés à de jeunes musiciens du conservatoire et à des amateurs, enfants et adultes.

On entendra bien sûr de belles voix ?

C’est vraiment le retour des grandes voix à l’Opéra de Nice : dans La Somnambula, on entendra en effet Adrian Sânpetrean, et Edgardo Rocha pour la première fois à Nice, dans Fidelio, Birger Radde, Albert Dohmen, entendus tous les deux dans le Wozzeck de Monte-Carlo, mais aussi Gregory Kunde, l’un des plus grands ténors actuels, qui dirigera par ailleurs l’un des concerts symphoniques. Kathryn Lewek, qui a triomphé dans La Reine de la nuit au MET, sera la belle Lucia, Alexandra Marcellier, Alice dans Falstaff, quant à Luciano Ganci, qui fait une belle carrière, et Cristina Pasaroiu, ils chanteront La Bohême au côté de la jeune Melody Louledjian… La liste est longue !

La musique est donc présente sous toutes ses formes à l’opéra !

En effet ! Le prestigieux Michel Plasson ouvrira la saison symphonique, au cours de laquelle nous accueillerons l’enfant du pays et chef associé, Lionel Bringuier, mais surtout des femmes cheffes d’orchestre : Maria Badstue, Alexandra Cravero, Beatrice Venezi, Debora Waldman, Jane Latron. Une continuité dans cette priorité à l’égalité hommes-femmes, qui m’est si chère. Sans oublier la saison de musique de chambre, le Festival de musique sacrée, et les propositions à la Diacosmie, avec en particulier une installation-concert autour des lieder de Schubert, Schubert-box, adaptés par le compositeur Bernard Cavanna.

Qu’en est-il du public plus « jeune » ?

Je propose depuis mon arrivée une programmation cosmopolite, en intégrant de nouveaux formats, du théâtre musical, des opéras participatifs, des créations contemporaines, des mises en scène réalisées par les plus grands artistes du moment, notamment des metteurs en scène de théâtre et de cinéma, et cela ouvre de nouveaux horizons. Nous continuerons à multiplier les occasions de familiariser les jeunes avec cette maison, avec le concert d’ouverture, Metal Up, les Afterworks, qui ont lieu dans des lieux insolites ou dans les décors des œuvres à la Diascomie, les Escape Games, les sessions Viens avec ton smartphone, destinée aux ados, ou encore Hip Hop opéra ou De la BU à l’opéra en direction des étudiants. La programmation pour les très jeunes a bien sûr sa place, avec Viens avec ton doudou ou Les matinées musicales, mais aussi la saison prochaine une sensibilisation à la musique d’aujourd’hui avec Momo, sur une musique de Pascal Dusapin, opérette pour les enfants.

Ajoutez à tout cela une programmation danse « Fantastique ! « , selon les propres mots d’Eric Vu-An, directeur Artistique du Ballet Nice Méditerranée. « Je veux dire par là que plusieurs pièces que nous allons présenter cette année ont un lien très fort avec le fantastique et le surnaturel…  » On a hâte de découvrir ça !

Dès le 3 sep 2022, Opéra de Nice. Rens : opera-nice.org
Bertrand Rossi © Dominique Jaussein