Le jeu de jambes de Monique Thibaudin

Le jeu de jambes de Monique Thibaudin

Connue pour sa déclinaison à l’infini de modèles de jambes, la discrète artiste plasticienne Monique Thibaudin expose actuellement à Vallauris, au Musée Magnelli, aux côtés du charismatique Ben, et en solo à la Galerie Itinéraire. Ses œuvres hybrides et polymorphes font partie du paysage azuréen depuis de nombreuses années, interpellant, questionnant, interrogeant sur la nature de la métamorphose et son changement.

Comment êtes-vous « tombée » dans le groupe artistique Supports/Surfaces ?

Fille de peintre, j’étais fascinée par le travail de Nicolas de Staël. Puis, en visitant les beaux-arts de Luminy, je suis tombée sur l’atelier de Claude Viallat et Joël Kermarec. Ce fut un étonnement et une révélation. C’était en 1985. J’ai quitté de suite les Beaux-Arts de Lyon pour aborder le groupe Support/Surface.

Pourquoi êtes-vous fascinée par les jambes ? Il y a rarement des têtes ou des troncs dans vos œuvres. Comment êtes-vous devenue « anti-buste » ?

À l’époque, je faisais beaucoup de portraits d’après des modèles vivants. Puis, je suis allée à l’essentiel en simplifiant tout et en utilisant l’empreinte de la silhouette sur toile non tendue, puis de mon propre corps, avec des empreintes fragmentées ou en mouvements sur toiles. Quand je me suis installée à Vallauris, je suis passée aux volumes (empreintes dans la terre, plâtre, paraffine, résine), puis l’Anti-Buste est né, car pour moi : L’Anti-Buste est le contraire du buste, le réel face à l’irréel, le visible face à l’invisible, la matière face à l’esprit… L’Anti-Buste est donc devenu ma marque personnelle, mon motif à répétition réalisé, généralement, par série. Il est mis en situation et exprime un sentiment, un événement, un fait de société, le reflet de ce qui m‘entoure. La matière et la couleur sont là pour appuyer mes propos.

Quels matériaux et techniques utilisez-vous ?

L’œuvre Fragilité humaine a été réalisée en lycra pendant la canicule et le tsunami et est présentée à la Galerie Itinéraire. Les collants déchirés et de différentes couleurs de peau dénoncent la détresse des gens. La marche bleue, exposée au Musée Magnelli, est en céramique avec du pigment bleu. Cette œuvre m’a été inspirée des jardins de Majorelle à Marrakech en voyant les touristes déambuler le long des bassins.

Vous exposez actuellement au Musée Magnelli dans l’espace de Ben. Pourquoi avoir choisi ses « Ben-neries » pour accompagner vos hybridations ?

À 20 ans, j’ai rencontré Ben à Marseille invité par Claude Viallat. Dès lors une bonne complicité s’est installée entre nous et Annie, son épouse. J’ai toujours été fascinée par le personnage de Ben. Sa façon de travailler que tout m’oppose : instinctif, rapide, qui ose tout. J’apprends aussi à développer mon ego, tout comme mon ami Ben. Cet ego et cet « opportunisme » que je trouve essentiels chez un artiste pour avancer… J’ai 70 ans, coquetterie de femme.

Quel est votre regard sur l’art du XXIe siècle, vous qui êtes artiste depuis de nombreuses années ? Les interrogations, craintes, passions des artistes d’aujourd’hui sont-elles toujours les mêmes ?

Au XXIe siècle, le monde de l’art me plaît. Tout est permis. Mais le nouveau est difficile de nos jours. Il existe dans le langage qui évolue. La vérité se déplace, les mentalités changent ainsi que les moyens de communication. L’intérêt passe à mon goût trop par le sensationnel alimenté par les médias. Puis, trop, trop d’artistes pour le marché de l’art. Comment faire pour en éliminer ? (rires). Moi, je veux être là, et ce n’est pas facile surtout pour une artiste femme.

Je ne suis pas Picasso : 25 juin au 19 septembre 2022, Musée Magnelli – Musée de la céramique, Vallauris
Demi-sculpture : Galerie itinéraire, Vallauris
Rens : thibaudin.free.fr

photo : vue de l’exposition de Monique Thibaudin au Musée Magnelli – Musée de la céramique, Vallauris © DR