Né quelque part

Petit Pays © Jason R. Warren

Né quelque part

Dans le cadre du Théma #41 : Mémoire(s), la scène nationale Châteauvallon-Liberté propose, en novembre, deux spectacles autour du thème de l’immigration avec Petit Pays et Le Sommeil d’Adam.

Vécues et racontées du côté de l’enfance, ces deux créations abordent la difficulté extrême de se retrouver brutalement dans un pays en guerre, et les indicibles traumatismes que cela engendre. À 10 ans, quand tout bascule, Gabriel — narrateur de Petit Pays, adaptation du célèbre roman de Gaël Faye, mise en scène de Frédéric R. Fishbach — est un jeune métis, qui vit sa vie d’enfant au Burundi. Avec Ana, sa sœur, il grandit auprès d’un père français qui assure une vie confortable, et sa mère rwandaise, qui a dû fuir son pays. Autour, gravitent des figures familières. Innocent (tutsi) et Prothé (hutu), les employés de maison. Entre eux, le calme, mais à l’heure du grand chaos… Jours insouciants à jouer avec les potes. Et puis famille et amitié voleront en éclats, embouties par le génocide et les atrocités d’une guerre où chacun devra choisir son camp. L’exil. En France, devenu adulte, Gabriel le migrant ne peut oublier la terre enchantée. Le retour au pays le confrontera à réalité d’une vie qui jamais plus ne sera : « Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance… »

Tout aussi poignant, Le Sommeil d’Adam, écrit et mis en scène par l’autrice franco-libanaise Lauren Houda et le metteur en scène israélien Ido Shaked, évoque l’insondable phénomène du « syndrome de résignation ». Adam, 12 ans, demandeur d’asile, quelque part en France. En classe, sous les yeux de Lauriane, sa prof et de ses camarades, il sombre dans un sommeil sans fond. À l’hôpital, le corps médical ne comprend pas, ne peut rien. Rentré chez lui, il dormira un mois. Depuis les années 2000, de nombreux cas de cette maladie psychique ont été repérés en Suède. Elle frappe les enfants des réfugiés à qui la demande d’asile n’a pas été accordée. « Ce qui a été observé chez les enfants, c’est l’immobilité, la stupeur, le corps mou, le corps ne réagit pas à la douleur« , explique le psychiatre américain Arash Javanbakht sur le site The Conversation. Interminable attente d’une réponse, tandis qu’à l’école les enfants s’acclimatent à une autre culture, une autre langue. Rêver d’une vie meilleure, y croire, mais en silence, vivre chaque minute la peur au ventre. Phénomène incompris, on a d’abord pensé que le syndrome de résignation était une « maladie imaginaire » pour obtenir plus vite le droit de résidence. Lauriane, la mère d’Adam et sa sœur vont tout mettre en œuvre pour tirer Adam de sa léthargie, d’autant que se profile la décision d’expulsion. Adam, enfant demandeur d’asile, n’est pas seul à trouver refuge dans les bras accueillants du dieu Morphée, devenu sa seule terre d’accueil. D’autres enfants le suivent dans les abysses du sommeil. Quand la souffrance est insoutenable, les enfants disent aux adultes : « Nous ne sommes plus là. Débrouillez-vous sans nous… » Il serait temps que les adultes se réveillent.

Petit Pays: 8 au 10 nov 20h30, Le Liberté, Toulon / Le Sommeil d’Adam: 16 & 17 nov 20h30, Chateauvallon, Ollioules. Rens: chateauvallon-liberte.fr