Cosmogonie artistique

Cosmogonie artistique

L’artiste lilloise Anna Tomaszewski semble appliquer en plastique l’approche esthétique littéraire de Francis Ponge, qui attire l’attention sur l’objet purement substantiel, en déconstruisant son signifiant et ses représentations.

Il s’agit en fait de refonder notre regard sur les choses, soumises au dépérissement, à une entropie naturelle. La Galerie Terrail, espace de céramique et d’art contemporain de Vallauris, a pour but la valorisation de la création artistique émergente et encourage les rapprochements entre diverses pratiques en invitant les artistes en résidence à explorer ou approfondir une démarche empruntée à la céramique : installation, performance, vidéo, sculpture, peinture, photographie. Et justement, Anna Tomaszewski investit la Galerie en y développant une approche de la sculpture, grâce à ces différents supports.

Dans le cadre de l’exposition Archimede t(h)rust, elle utilise des fragments et déchets trouvés dans différents milieux aquatiques, décuplés et amplifiés sous forme de sculptures en céramique. Ainsi, transforme-t-elle la Galerie Terrail en un aquarium géant. Ces sculptures, immergées ou en suspension dans l’espace, deviennent des catalyseurs de nouveaux espaces donnant lieu à une éco-fiction inédite. Considérer l’objet, c’est l’observer comme on observe un astre, c’est le penser dans une longue histoire de transformations, depuis son état premier jusqu’à son état actuel.

Ponge disait au sujet de son œuvre : « Ce ne sont pas des poèmes que je veux composer, mais une seule cosmogonie« . C’est ce qu’entreprend Anna Tomaszewski, car, à terme, ses œuvres deviennent le leitmotiv d’une théorie expliquant la formation de l’Univers. L’infime permet d’expliquer et mesurer le plus colossal. L’artiste produit un savoir sur une chose, en l’ayant au préalable vidé de l’enduit métaphysique qui obscurcissait son appréhension. Loin de systématiser son approche, le grain des fragments aquatiques recueillis par Tomaszewski produit une « matière-émotion » sensualiste et unique.

Jusqu’au 21 jan, Galerie Terrail, Vallauris. Rens: terrail.fr

photo : Archimede t(h)rust © Anna Tomaszewski, 2022