15 Déc Papa dis-moi, l’astronomie, qu’est-ce que c’est ?
Vous cherchez une idée cadeau qui sort du lot ? En voici une pour le moins originale qui ravira aussi bien les petits que les grands. Cet ouvrage inclassable n’est pas qu’un simple livre de vulgarisation scientifique écrit et illustré par feu l’astronome et directeur de l’Observatoire de Nice Jean-Claude Pecker (1) qui traite de l’histoire de l’astronomie. Il s’agit avant tout d’un dialogue entre un père et sa fille, Laure, âgée de 10 ans à travers le questionnement philosophique du géant Atlas sur l’origine de l’univers et qui rêve d’en découvrir les lois mystérieuses. Un cahier d’écolière pas comme les autres…
À travers « cette leçon de choses », le public est amené à réfléchir sur l’histoire de l’Humanité. Écrites en 1963, les réflexions de Jean-Claude Pecker sont d’une étonnante actualité aussi bien en termes de données scientifiques que d’observations sociétales. Gilles Bogaert, astronome et chercheur en astroparticules, a supervisé sa publication.
Comment avez-vous eu l’idée de publier ce livre pour enfants et adultes ?
Cet ouvrage, c’est une œuvre de vulgarisation scientifique, comme on parle d’œuvre d’art. D’ailleurs c’est un peu les deux. Laure, la fille de J-C Pecker, a retrouvé ce cahier en rangeant les affaires de son père décédé en 2020. Le texte est très clair et instructif, joli, amusant et toujours actuel. Nous avons décidé de le publier intégralement sous la même forme sans rien y changer : même cahier à spirale, écriture manuscrite, même mise en page, mêmes couleurs vives des dessins à l’aquarelle, Pecker était un conteur, il savait parler aux enfants. Il collaborait au quotidien Nice-Matin par exemple. Dans ce livre, il traite ce que l’on sait de la place de la Terre dans le ciel depuis l’antiquité jusqu’à la conquête spatiale. Il déborde de son sujet pour parler aussi des astronomes et ce qui les motive : « les savants aiment leur métier, parce qu’il est aussi nécessaire que beau ! » Il prodigue quelques conseils d’un astronome passionné à sa fille : « Toi Laure, toute petite — mais qui peux comprendre ce qui est grand… »
Quel était votre lien avec Jean-Claude Pecker ? Pouvez-vous expliquer l’importance de ce personnage pour l’astronomie ?
Jean-Claude Pecker est une des gloires de l’astrophysique française. Personnellement j’avais entendu parler de lui et de ses hypothèses scientifiques pour remplacer le scénario du Big Bang quand j’étais étudiant. Tout le monde en parlait. Quand je suis allé le voir chez lui, il y a quelques années, pour qu’il raconte sa période niçoise, je n’en menais pas large… En fait, Pecker était un homme très simple, et il avait encore son indignation de jeune homme sur les lèvres, car en 1962, quand il avait demandé à être nommé directeur de l’Observatoire de Nice, il savait que la situation de l’observatoire était scandaleuse : cette magnifique œuvre de Garnier et Eiffel était devenue un site oublié, tombant en ruines, un lieu de trafics. À l’époque, il était déjà le premier professeur d’astrophysique théorique du Collège de France et il allait devenir président de l’Union astronomique internationale. Il était indigné mais avait aussi un projet clair pour l’Observatoire de Nice : il proposait d’en faire le centre international pour l’astronomie dont la France avait besoin. Il a réussi à obtenir carte blanche. L’observatoire allait renaitre grâce à l’État, à la mairie de Nice et au département qui allaient contribuer au projet. Par son aura, par son génie, Pecker a réussi à embarquer tout le monde dans l’aventure et à faire venir à Nice des scientifiques parmi les meilleurs.
Le texte date de 1963. L’humanité ne semble jamais apprendre de l’histoire.
C’est un livre d’astronomie étonnant, on pourrait dire complet. Il s’intéresse au monde, aux femmes et aux hommes. Il répond aux questions que l’on se pose quand on est enfant et leur donne aussi des clés pour comprendre leur place dans la société humaine et dans l’Univers. Cet ouvrage apporte une vision riche et humaine et finalement rassurante, celui de la connaissance au service du progrès.
Avez-vous effectué de nombreuses modifications pour le rendre actuel 60 ans après ?
Aucune ! Nous n’avons pas touché au texte. J’ai juste passé des heures et des heures de Photoshop pour effacer les taches d’humidité, à éliminer les ratures ou surcharges gênant la lecture. J’ai ajouté une ou deux informations pour actualiser les faits qu’il cite, sur le nombre de satellites de Jupiter par exemple. Il en connaissait une dizaine, on en compte 74 aujourd’hui. Nous n’avons touché ni au texte ni au dessin, mais ajouté des petites notes à côté, pour que le livre soit toujours factuellement exact.
Quels sont vos passages préférés et pourquoi ?
J’aime celui sur la vitesse de la lumière. Et puis, j’adore ses dessins. Ils sont nombreux, parfois juste cocasses et très précis comme la carte du ciel.
Convaincue par Atlas, Laure Pecker a-t-elle consacré sa vie « au vrai, au beau et au bien » ?
Oui, certainement ce sont des choses qui comptent dans sa vie. C’est peut-être un message que Pecker tenait lui-même de ses parents morts en déportation qu’il a gardé au fond de lui au cours de sa vie de convictions et de combats. Rappelons ce qu’il écrit sur la dernière page de ce livre en laissant le ton ludique qui parcourt le livre: « Tu dois devenir une femme et essayer comme les hommes devraient le faire. Essayer de consacrer ta vie au VRAI (c’est la science) au Beau (c’est l’art) et surtout au BIEN (c’est de vivre avec les autres en essayant de répandre du bonheur autour de soi — avec les autres, hommes et femmes, si petits si faibles — dans cet immense univers). » Cette phrase m’impressionne !
Gilles Bogaert, vous avez publié aussi des ouvrages de vulgarisation.
Comme scientifique je suis engagé autant que lui à faire connaitre le climat de la Terre et son évolution pour l’avenir et à être cohérent dans mes choix de vie. Je garde en mémoire le conseil de Jean Claude : le vrai, le beau, le bien.
Papa, dis-moi, l’astronomie, c’est quoi ? de Jean-Claude Pecker, Ed. Z4 Editions, 114 pages, 22 €, à partir de de 7 ans. Préface de Thierry Montmerle, ancien secrétaire général de l’Union Astronomique Internationale. Actualisation effectuée par Gilles Bogaert, astronome à l’Observatoire de Nice.
(1) Jean-Claude Pecker fut directeur de l’Observatoire de Nice, de l’Institut d’Astrophysique de Paris et Secretaire général de l’Union Astronomique Internationale