Le monde sommeille par manque d’impruDanse

Le monde sommeille par manque d’impruDanse

Une double affiche, qui emmènera le public sur les rivages méditerranéens, clôturera le festival L’impruDanse, le 1er avril au Théâtre de l’Esplanade à Draguignan. Et bonne nouvelle, la directrice Maria Claverie-Ricard nous a appris que sa manifestation phare s’étalera sur 3 semaines en 2024 !

C’est entouré d’une sélection de clichés pris par l’immense photographe français Guy Delahaye tout au long de sa vie que le public est accueilli au Théâtre de l’Esplanade. Carolyn Carlson bien sûr, Trisha Brown, Alvin Ailey, Jean Rochereau, et bien d’autres, se montrent dans toute leur fragilité artistique, ici, dans ce hall qui a vu passer des milliers de spectateurs depuis le début du festival ; chacun de ces artistes exprimant par ses mouvements, sa propre sensibilité, l’identité artistique qu’il s’est construit grâce à sa propre culture et celles qu’il aura côtoyées au cours de sa vie. Si bon nombre d’entre eux sont originaires des États-Unis, une terre qui a engendré d’immenses danseurs.euses et chorégraphes, la danse est sans doute avec la musique l’art le plus universel qui soit. Voilà pourquoi certains artistes s’inspirent de traditions séculaires pour nourrir leur pratique contemporaine, à l’instar des deux chorégraphes que la directrice de Théâtres en Dracénie a conviés pour cette soirée de clôture. Une double affiche qui conduira le public dans un périple des contreforts d’Afrique de Nord aux côtes de l’Épire bordées par la mer Ionienne.

Dès 19h, Fouad Boussouf présentera Näss, un terme marocain qui signifie les gens, façon d’indiquer au spectateur que c’est la puissance du collectif qui parle. Un collectif de sept danseurs aux corps en ébullition, à la force quasi mystique, dont les mouvements symbolisent la double culture du chorégraphe, empruntant tout autant au hip hop qu’à ses racines tribales et africaines. « L’histoire du célèbre groupe Nass el Ghiwane des années 70 au Maghreb a été un élément important dans mon inspiration« , explique-t- il. Nass el Ghiwane, littéralement les gens bohèmes, ont fait connaître au monde la culture gnawa. Un peu comme les griots africains, les ghiwanes marocains transmettaient en mots et en gestuelles le quotidien de la vie, de village en village. À la lisière entre le profane et le sacré, entre modernité et attachement aux rites qui lui font encore rempart, Näss affirme par la transe le syncrétisme des dimensions populaires et urbaines de la danse hip-hop.

Humanité et transmission, toujours, avec le second spectacle à 21h. Combinaison de danse contemporaine et de folklore grec, imaginé par la franco-espagnole Rosalba Torres Guerrero et le belge Koen Augustijnen, Lamenta prend sa source dans les miroloï, ces « lamentations chantées pendant des funérailles ou des mariages ou des départs en exil, de vieilles chansons, parfois instrumentales parfois a capella« , indique le chorégraphe flamand. « J’aime ces chansons qui sont comme du blues, qui démarrent lentement, de façon très triste, qui pendant la fête s’accélèrent et deviennent joyeuses avant de ralentir à nouveau. » Neuf danseurs originaires de Grèce accompagnent, dans un élan cathartique commun, la musique spécialement créée, véritable armature de ce spectacle célébrant les absents.

D’aucuns auront reconnu dans le titre de cet article, celui d’une chanson du grand Jacques Brel, ici détourné pour la bonne cause. Car si le monde a tendance à s’oublier, L’impruDanse est là pour rappeler que les échanges et la mixité, loin d’être des dangers, sont autant de solutions pour faire évoluer nos sociétés minées par une modernité excessive

1er avr 19h, Théâtre de l’Esplanade, Draguignan. Rens: theatresendracenie.com

photo: Lamenta © Heloise Faure