17 Juin Les indociles de la fraternité
En pleine crise du Covid, l’objectif était de sauver des vies, coûte que coûte. Et pourtant, sans ciller, on laisse près de nous des vies disparaître dans l’eau ou se dissoudre dans des camps de mauvaise fortune. Avec leur livre, Les Sentinelles, la combative Teresa Maffeis et la journaliste Aurélie Selvi témoignent et mettent en lumière la solidarité de quelques indociles à la frontière franco-italienne.
Qu’est-ce qui peut donner envie à 3 artistes comme Edmond Baudoin (voir son interview « Il faut faire l’inventaire des vivants« ), Jacques Ferrandez et Ernest Pignon-Ernest de s’inscrire dans le même livre ? Sûrement le sentiment d’urgence, l’urgence de faire partie d’une chaîne humaine. Et pas n’importe laquelle. Celle qui relie un groupe solidaire aux milliers de migrants, femmes, hommes, enfants qui fuient une vie devenue impossible et se heurtent aux frontières.
Le 18 juin 2020 verra la sortie du livre Les Sentinelles, chroniques de la fraternité à Vintimille (Max Milo éditions), ou le récit d’une solidarité sans faille, émanant d’anonymes, d’associations, de figures locales, vers des exilés, coincés entre la France et l’Italie.
La misère n’étant pas moins cruelle au soleil, Vintimille cristallise les paradoxes. D’un côté, supermarché des azuréens qui surconsomment, de l’autre, supermarché de la souffrance en transit qui doit se cacher ; d’un côté, l’inaction des pays européens, de l’autre, le soulèvement d’une poignée d’hommes et femmes, totalement investis ; d’un côté, le brouhaha de la Riviera, de l’autre, le silence des médias…
Hommage aux Justes
Les deux auteures du livre ne sont pas restées silencieuses. Militante bien connue, petite-fille de migrants italiens, toujours de vert vêtue, Teresa Maffeis est fondatrice de l’Association pour la démocratie à Nice, ou AdN. Et justement, dans son ADN, les causes humanitaires, comme la lutte contre les discriminations et l’exclusion des sans-papiers, la scolarisation des enfants Roms, l’aide aux sans-abri, les droits des femmes, le handicap, le vieillissement…
Aux côtés de « Mamma Teresa », sa complice, la jeune journaliste Aurélie Selvi, à la fibre sociale et environnementale affirmée. Ex-rédactrice en chef du magazine Ressources, axé sur le développement durable, lauréate du prix Eco-reportage 2017 pour la région de Nice, Aurélie a partagé avec Teresa, sur le terrain, maraudes nocturnes, collectes, visites et cours de français.
70,8 millions de déracinés
Grâce à leur livre Les Sentinelles, Teresa et Aurélie témoignent de « cinq années de rencontres, de tristesse, de joie, de vie, de mort, d’espoir et de désillusion, cinq années que l’Histoire ne devrait pouvoir — ni devoir — oublier ». Les auteures y rendent un vibrant hommage à toutes les personnes franco-italiennes qui, inlassablement depuis 5 ans, manifestent, dénoncent, apportent aide et soutien de toute nature aux réfugiés de Vintimille… à moins de 20 minutes de la France. De vrais citoyens qui, en guise de reconnaissance, gagnent parfois un aller devant les tribunaux. Le livre met également en exergue des textes d’Enzo Barnaba, romancier et historien sicilien, de Philippe Jérôme, journaliste monégasque, et d’André Tosel, le regretté philosophe français.
Ce 20 juin 2020 marquera la journée mondiale des réfugiés, comme depuis 19 ans. Bien triste journée, car fin 2018, le monde a atteint, selon l’ONU, un score de 70,8 millions de déracinés, fuyant guerres ou persécutions dans le monde. Soit le plus cruel record jamais atteint. Combien en faudra-t-il de plus pour nous réveiller ?