08 Mar [Spécial Femmes] La barque noire de Virginie Peyré
Témoignage de Virginie Peyré publié aux éditions Les Presses du Midi, La barque noire évoque la révolte, après une prise de conscience tardive, certes, d’une jeune femme victime, de l’âge de 5 ans jusqu’à ses 15 ans, d’un prédateur sexuel : son frère aîné.
Cri de douleur, de désespoir, parce que sa souffrance n’est pas reconnue, Virginie dénonce, accuse, veut que son statut de victime soit indiscutable, que la responsabilité de ses parents et surtout la culpabilité de son frère éclatent au grand jour.
Inversement des rôles… Parler, dénoncer, écrire, puis publier lui ont apporté une nouvelle respiration. Maquilleuse professionnelle dans le spectacle vivant, mais aussi pour le cinéma et la télévision, artiste peintre, femme et mère de famille, Virginie Peyre est enfin sereine, alors que sa famille s’interroge sur son aveuglement et souffre. Son frère ? « Il se terre… Sa famille est aux abonnés absents. Son poste de musicien ne sera pas reconduit… » Si la famille éclate, la victime trop longtemps étouffée, se reconstruit. Car la parole libère…
Dénoncer, médiatiser, pour que tout cela cesse…
« On médiatise pour que tout cela cesse. Pas par voyeurisme ou étalage. Plus les femmes parleront, dénonceront, moins les prédateurs agiront », souligne Me. M. C-Tourneur, avocate niçoise.
Victime autrefois, marquée dans sa chair et son âme, Virginie a pris les choses par le bon bout : elle est dans l’action, intervient dans les écoles et sensibilise les enfants victimes de prédateurs sexuels… « Avec l’association Les Papillons que dirige Laurent Boyer, où j’assure un bénévolat, nous menons le même combat ! Nous avons installé des boîtes aux lettres dans les écoles où nous intervenons du primaire au collège. Les enfants que nous rencontrons, devant lesquels nous projetons un film pour les informer, les sensibiliser, réagissent. On lit sur leur visage certains troubles. Beaucoup de ceux qui sont victimes d’amnésie post-traumatique, d’inceste et de violences — et il y en a beaucoup plus qu’on ne l’imagine —, écrivent, laissent un message dans ces boîtes. Ils osent dire ! » Les familles sont alors contactées par les mairies, inspecteurs, assistantes sociales, police, avec un suivi juridique.
Et après La barque noire ?
Virginie a vogué si longtemps, pas sur une barque… Mais ne faisait-elle pas du bateau avec ses parents et ses deux frères ? Voguant au gré des vents… Barque aussi noire que la couleur fétiche de Pierre Soulages, car son prédateur de frère aîné était toujours présent… « C’est pour (ou contre ?) mon frère, au début ; un cri du cœur, car je n’avais pas été entendue par la justice. Il ne nie pas. Il n’est simplement pas conscient ! C’est la « pathologie du prédateur sexuel ». Il est puni par l’opinion publique. Tout a explosé. Cela a fait boule de neige. Un élève de mon frère est choqué. En écrivant, en publiant, je veux protéger ses propres enfants, ses élèves… Et toutes les victimes de prédateurs sexuels, dans les familles où le huis-clos fait la loi ! Des flashes me reviennent toujours. Je me sens mal, sale… J’ai commencé une thérapie à 28 ans après mon divorce… Oui, c’est une vraie bombe dans ma famille, je le sais… »
Virginie énumère les différentes thérapies qui, avant l’écriture, l’ont aidée à refaire surface : des tranquillisants qui masquent la réalité, à l’analyse, la kinésiologie, l’ostéopathie, l’E. M. D. R… Afin de ne plus se sentir coupable, mais victime ! Quel soulagement enfin, après tant d’années de culpabilité et de souffrance.
Passionnée et professionnelle de l’univers lyrique et artistique, Virginie Peyré avoue recevoir de nombreux témoignages d’artistes lyriques très connus. Tous ont été bouleversés à la lecture de son livre et admirent son courage, son combat. Ils ne devinaient certainement pas sous son masque souriant, celui de la souffrance… Et des masques, l’Opéra en recèle et des plus divers, tant de rôles, de personnages plus ou moins aimants, souriants ou cruels… On en oublierait la réalité !
« Mon livre est un message d’espoir. C’est ma force maintenant ! Je suis à ma place. J’ai dit les choses, et suis fière d’avoir clamé la vérité haut et fort. Oui, c’est ma force et cela me permet ainsi d’aider d’autres enfants ! Il faut poser des mots… Ce fut une bombe dans ma famille. Mais je reçois depuis la publication de La barque noire tant de messages de bienveillance d’amis, de familles et d’inconnus… »
Une jolie surprise du destin l’attendait au détour d’un chemin et pour Virginie, celui de la rédemption s’est ouvert avec le véritable amour et aujourd’hui une petite fille de 2 ans qu’elle protège !
La barque noire
Virginie Peyré
Les Presses du Midi
En librairie, 13€
(photo : Viriginie Peyré © Claudie Kibler Andreotti)
Ce texte fait partie d’un dossier Spécial Femmes qui va paraître tout au long du mois de mars. Bien entendu, La Strada n’a pas attendu le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, pour parler de la cause féministe, car nous veillons toute l’année à leur donner la parole, ainsi qu’aux défenseur.e.s de leurs droits ! Retrouverez ci-dessous les autres textes de ce dossier :
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