23 Mai Rallumons les lumières
Branchons la prise… Il est grand temps !
En dépit d’une montée de violence planétaire et d’une situation angoissante ce numéro de LA STRADA peut redonner espoir tant il met en avant des individualités qui ont fait un pas de côté, qui ont eu une prise de conscience qui leur a permis de changer leur propre vie ou de tenter d’éveiller le public, lui donner le désir de changer les choses. Le plus important n’est-il pas de trouver un chemin vers la paix et l’enthousiasme. La création qu’elle soit littéraire, plastique, musicale apparaît ainsi comme l’une des solutions possibles…
Philippe Perrin (p.14-15), plasticien reconnu, musicien à ses heures, poètes à la gouaille bukowskienne a trouvé sa voie, dès le plus jeune âge, grâce à Arthur Cravan. C’est peut-être pour cela qu’il a toujours aimé les résistants qu’ils soient boxeurs, mauvais garçons, où même chef indien… Si son franc parler choque, c’est parce qu’il est vrai et répond à la violence des dominants de tous ordres… Ne jamais se taire, braver la vindicte des Tartuffe, dans l’excès et l’impertinence. Il y a du panache dans sa démarche punk avec ce côté looser de cette génération 77 qui brandissait un slogan qu’elle espérait erroné, No Fun et No Futur, ne souhaitant pas autre chose qu’une prise de conscience pour préserver la vie !
Jean-Marc Pharisien (p.16), sans s’en rendre compte, a saisi pendant 20 ans la vie artistique de notre région et ses acteurs. C’est grâce à l’exposition à l’Espace à vendre de ce formidable patrimoine, qu’il a constitué patiemment au fil du temps, qu’il est en train de réaliser l’importance de son propre travail… Sa surprise est à la hauteur de son humilité. Lui, dont la discrétion l’a fait être surnommé par Ben, « le fantôme timide « , doit admettre avec ces centaines de photos sur un mur qu’il a réalisé un acte créatif. C’est par l’altérité que sa prise de conscience se fait car il est surpris par l’élan qu’a provoqué son travail. Il ne le voyait pas. Va-t-il enfin croire qu’il est photographe ?
Dominique Agius (p.18), globetrotter étonnant qui, avec la photo et la transmission de son savoir-faire, a trouvé la paix. Encore un imagier qui s’est trouvé dans l’Autre, dans l’échange. Une sorte d’autodidacte qui a appris « sur le tas » et qui livre avec humilité son expérience. Parvenu au sommet de sa technique, le voilà qui découvre que son expérience apporte aux autres, qu’il existe un chemin pour lui aussi, malgré toutes les embûches. Et c’est ça qui fait du bien, comprendre que « l’autre » n’est pas un ennemi mais au contraire une solution, un « possible »…
C’est aussi le cas de Gérard Taride (p.19), qui, sur le tard a osé. Sans présupposés, il expose. Et « libre comme l’art », il livre une réflexion tant sur le consumérisme que sur la censure dans la musique et l’art. Sans maniérisme aucun, ses installations frappent fort et au cœur. Encore un créateur qui a appris en travaillant sans relâche. Ses travaux sont le résultat d’une expérimentation permanente, d’une manière de vivre dans la curiosité, la créativité et la liberté. Ce musicien à ses débuts est devenu designer, photographe, vidéaste, scénographe, pour subsister. Il a su faire un pas de côté, pour s’en servir dans le seul but d’exprimer toute son humanité. La confrontation et le regard de l’autre lui ont révélé sa propre humanité. Il a enfin osé vaincre son humilité parce donner était plus important, parce le partage est sa joie. Encore une prise de conscience qui peut servir à tous : une sorte de surenchère du bien et peut-être un moyen de contrer, par la création et le partage, celle de la destruction.
Cette année, en abordant la thématique du Courage, le 28e Festival du Livre de Nice se fait un devoir de défendre les valeurs humanistes et les auteur.e.s qui, par les écrits ou leurs prises de position, mettent parfois leur vie en péril. Aussi le Président choisi pour l’édition de cette année n’est autre qu’un auteur de près d’une trentaine d’ouvrages, Boualem Sansal (p.20-21). Il subit la censure et les persécutions du pouvoir algérien depuis la sortie de son premier roman en 1999. Déterminé à poursuivre son combat pour la liberté et contre l’ignorance, il a sorti en début d’année 2023 son 10e roman, Vivre : le compte à rebours, une dystopie apocalyptique qui questionne notre humanité. Nous avons rencontré cet auteur dissident qui se sent « autant le produit du berbère, de l’arabe et du français » et a choisi de tremper sa plume dans l’acide pour dénoncer les dérives politiques et religieuses. N’est-il pas un exemple, lui aussi, de ceux qui espèrent parvenir à ce qu’ensemble nous prenions conscience de ce funeste dérapage sociétal ?
Sandra Mathieu (p.31), est quant à elle l’auteure d’un ouvrage qui décrit ce qui passe pendant et après l’agression extrêmement violente d’une jeune femme qui en aime une autre. Avec son livre la fois léger et profond, tout en dialogues, comme un documentaire réaliste, Sandra a voulu susciter le questionnement de lecteurs qui n’auraient pas eu envie de se pencher sur le sujet : réfléchir aux autres, à la différence. Car, pour elle, c’est aussi se pencher sur soi. La violence et l’intolérance, le refus de la différence apparaissent comme les marqueurs de cette lèpre qui gangrène la Planète et qui, comme les changements climatiques, risque fort de nous mener à l’effondrement. Elle se dit inspirée par de multiples histoires vraies : « C’est une façon de rendre hommage à l’inimaginable, tout en respectant mon histoire, une histoire vraie. »
Toutes ces expériences démontrent bien qu’il n’est jamais trop tard pour faire une pause, prendre du recul pour trouver la paix ou son chemin. Cette démarche a bien plus d’avenir car elle permet de construire et de vivre ensemble parce qu’il faut se rappeler que nous vivons, toutes et tous, sur la même Planète. Et il est clair que certains malades mentaux qui nous dirigent ne l’acceptent pas. Ils semblent vouloir “réguler“ la population de la Planète par la guerre, lutter contre la surpopulation par le meurtre de masse. Si tout cela, jusqu’à présent, se passait dans l’indifférence générale, il est terrifiant de constater que récemment s’est développé une sorte d’attrait pour ce processus violent, morbide et terrifiant. Que se passe-t-il ? Où est passée notre culture ? Le rejet semble remplacer peu à peu le lien social et la solidarité dans l’esprit d’un nombre grandissant de nos congénères… Il faut vraiment que chacun trouve la source pour y brancher… sa prise de conscience.